Une journée inattendue
25/01/2024
Mathieu rentre du travail et viens discuter au bureau avec moi. Il me dit alors : 'J'ai une journée inattendue !'
Je lui demande s'il veut dire : panne d'une machine à l'usine, grève ou autre banalité de son quotidien depuis notre emménagement à Troyes il y a un an et demi.
Mais pas vraiment. Il me dit que le matin à son arrivée, P. - son chef (le directeur d'usine) - l'a averti d'un coup de fil à venir du central, du Service du Personnel plus précisément.
Bon - à ce stade - je cesse toute activité parallèle à notre discussion et prend une inspiration.
'Le service du Personnel me propose un poste à Resende au Brésil en septembre.'
Heureusement, je suis assise à ce stade...
Allez, petite digression présentation si vous le voulez bien !
Je m'appelle Bérengère, j'ai 40 ans tout pile (et je le vis bien tant que j'ai les copains pour prendre des rides et des rires à mes côtés).
Je suis mariée depuis 3 ans à Ledit Mathieu, 37 ans (#cougar) et nous avons 2 pépites : Alessia - 7 ans et demis - en CP et Anaïs - 6 ans et en CE1.
Tous les 2 salariés chez un grand groupe de pneumatique français (dont le petit bonhomme aux rondeurs qui pourraient rappeler les miennes est connu du plus grand nombre).
Et voilà, cela faisait quelques années que l'entreprise nous invitait à réfléchir à un poste en usine et nous nous sommes lancés il y a un an et demi en emménageant à Troyes (cahier des charges : une usine à moins de 2h30 max de Clermont-Ferrand pour une prise de poste en septembre / Proposition : Troyes = 4h de Clermont pour une prise de poste en Février / Réalité : Troyes pour une prise de poste en avril).
Je décidai alors de prendre un congé sans solde pour la période des 3 ans afin de tester l'entrepreneuriat.
Etant dans les équipes digitales lors de mon départ, je négociais une formation en réseaux sociaux.
Hélas, je décidais rapidement de faire un bilan de compétences, qui m'amena à découvrir la médiation. Plusieurs mois pour se former, et -une fois la certification en poche et la conviction d'approcher d'une activité qui me correspond et me plait, me voilà ce fameux soir du 25 janvier 2024.
Je dois vous concéder ici avoir vécu des moments difficiles. Beaucoup de solitude dans notre belle maison, et pour moi la vie pro est importante, elle fait partie de mon équilibre. Qui plus est, l'expérience pro de Mathieu a elle aussi réservé son lot de difficultés. Nous en avons été grandement déstabilisés. Doucement mais surement, le début de cette année
Revenons en à nos moutons - je vous sens curieux/ses.
Réaction initiale commune : 'on dit non et on reprend le cours de nos vies comme prévu'.
Et puis...je me dis que quand même, ça se réfléchit, qu'on pourrait prendre les infos au moins...
Je tiens ici à remercier celles et ceux qui ont pris le temps de nous parler, de nous écouter, rassurer parfois même.
Charles, Caroline, Justine, Ana, Isabel et Ana de l'école Maple Bear, sans compter les interlocuteurs de Mathieu qui lui ont donné des infos sur le poste à Resende.
Au fil des discussions et des jours, on s'est dit...pourquoi pas ? Est-ce que ça ne serait pas une belle aventure à vivre en famille, au bon moment, au bon endroit...?
Et si on en parlait aux filles ... ?
Le début de la réflexion
Nous avons eu la chance d'être mis en relation avec plusieurs personnes ayant vécu à Resende ou à Rio, y travaillant etc...
Et je prends ici une minute pour remercier chaleureusement Ana, David, Justine, Grant et Andrea, Guilherme etc...
Ces échanges furent riches et nous ont donné très rapidement la sensation que cette aventure dingue pouvait être chouette.
Charles, qui m'avait soutenu pour obtenir un accompagnement à la création de mon activité, se confiait sur les 6 mobilités nationales qu'il a vécu avec sa famille.
Guilherme, employé Michelin brésilien prenait un moment dans la journée même pour me parler de Resende, une ville dans laquelle il aimerait beaucoup vivre.
Ana (brésilienne ayant vécu en France et parlant un français au top qui vit actuellement avec sa famille près de Resende) me conseillait vivement l'école Maple Bear, une école canadienne type Montessori pour les filles, qui auraient cours en anglais et portugais dans un cadre au top (une ancienne ferme rénovée en école avec un contact fort avec la nature, très à l'écoute de chacun,e...). Un premier échange vidéo via What'sApp nous donnait l'assurance que les filles pourraient y trouver un cadre top.
Andrea me présentait sa maison et me parlait de son expérience de femme d'expat à Resende avec une générosité que me touchait le cœur.
Mathieu avait plusieurs échanges avec des managers et directeurs sur place et était lui aussi enthousiasmé des échanges et de la perspective du poste.
Je dois bien avouer qu'au fil des jours, l'aventure nous tentait de plus en plus...
Je ne me voyais cependant pas imposer aux filles ce changement de vie (sans doute encore un peu marquée par mes changements d'école et ou de ville en CP et 6ème).
Alors au moment où nous avons tous les deux sérieusement commencé à envisager le projet d'expatriation à Resende, nous avons décidé d'en parler aux filles.
L'annonce aux filles
Nous '- Les filles, on a quelque chose à vous dire. L'entreprise de Daddy lui propose un travail au Brésil et on se dit que ça pourrait être une belle aventure à vivre ensemble.
[Après avoir été cherché le puzzle du monde pour montrer ou est le Brésil, puis montrer une vidéo sur Youtube dans laquelle une brésilienne explique les mots d'usage en portugais, nous prenons une respiration...]
Nous- Vous en pensez quoi ?
Anaïs - Trop cool ! Je veux y aller ! Comme ça je ne serai plus embêtée à l'école ! On part quand ???
Alessia - Hors de question ! N-O-N. Vous m'avez forcé à venir à Troyes, et on devait repartir à Clermont où je dois retrouver mes copines. Alors même si c'est 3 contre 1, je ne suis pas d'accord !
Moi - Je t'entends et il ne s'agit pas de décider tout de suite mais de prendre les informations, de s'intéresser, de s'écouter aussi émotionnellement, d'en parler. Ensuite on décidera. Serais tu ok pour voir des informations sur Resende et le Brésil ou préfères tu ne pas savoir ?
Alessia - Je veux bien voir quand même. Ca sera peut être utile le jour où on étudiera le Brésil à l'école."
Ok. Petit nœud au ventre. Suis-je en train de lui demander trop ? Est-ce que nous ferions une erreur en y allant ?
Autant vous dire que les nuits sont agitées, ça cogite, ça tourne en rond dans ma tête et dans mon cœur...
Un choix de famille !
Alors qu'Anaïs demandait tous les jours : "c'est quand qu'on part au Brésil ?", Alessia avait besoin de temps pour lever des craintes (hyper légitimes) : peur d'être loin des ami(e)s, peur de ne pas comprendre la langue...
Alors le premier apprentissage commence ici :
Moi : "Tu sais Alessia Lorsqu'on doit prendre une décision, il faut tout d'abord s'informer pour bien comprendre le choix qui est devant nous. Tu veux bien regarder les infos sur Resende et le Brésil ou tu préfères ne pas avoir ces infos ?"
Alessia : "Je veux bien avoir les infos, ça servira toujours pour l'école" (Ouf)
Et puis après avoir regardé une vidéo Youtube sur les premiers mots en portugais brésilien, avoir pris le puzzle du monde pour situer un peu tout ça, mis une playlist brésilienne en fond sur Deezer, pas mal discuté des inquiétudes, il allait bien falloir se positionner.
Autant vous dire ici que je n'en menais pas large. Qu'allais je faire si Alessia maintenait son refus de partir...
Alors je lui demandais comment je pouvais l'aider à prendre position. Elle me dit alors avoir besoin de conseils...Je lui propose d'en parler à une personne extérieure, comme son parrain ou sa marraine.
Bingo ! Son visage s'éclaire et elle veut bien en parler avec Brice, son parrain et mon frère.
Le lendemain fin de journée, voilà ma grande fille de 8 ans, assise à mon bureau en visio avec Brice en train de lui exposer la situation et ses doutes, ses peurs.
Et lui de lui proposer de s'imaginer une journée type, de se questionner sur ses émotions quant à l'éloignement de ses amies et qu'elle a déjà vécu en venant à Troyes ("est-ce que ça te rend triste ou malheureuse ?) etc...
Elle sort du bureau après un bon moment avec un papier sur lequel elle avait noté les conseils de son parrain. Rassurée, elle était prête à s'ouvrir à l'aventure.
Quel immense soulagement alors ! Merci Brice !
La proposition ou le début des renoncements...et des opportunités !
Alors que nous patientions depuis plusieurs semaines (délais plus longs que les 2 semaines annoncées), le - tant attendu - coup de fil avec le service du personnel arriva alors que nous étions en vacances en famille (le jaccuzzi est toujours apprécié dans ce type de moments).
Notre correspondant RH détailla alors à Mathieu la proposition d'expatriation, et ses modalités.
Il va sans dire qu'une expatriation avec Michelin est bien plus confortable que celle que j'ai connu en partant sac sur le dos dans le Scénic de mon père à 20 ans !
Une fois la discussion terminée, nous allions buller pour le débrief à 2.
J'avouais - avec un peu d'émotions (vous apprendrez à me connaitre, je suis l'émotionnelle de l'histoire et Mathieu le pragmatique) que j'encaissais le fait que la proposition ne tenait guère en compte que je faisais la concession de 5 ans de vie professionnelle, de salaire, d'évolution au sein du Groupe. Je suis ici un peu injuste (ça m'arrive souvent). Sur notre demande, Michelin a accepté de prendre en charge mes cotisations sociales qui me permettront de ne pas perdre en trimestres travaillés pour la retraite (sur les 3 ans au Brésil. Et le service du personnel à Resende est informé de mon profil et nous pourrons étudier ensemble la faisabilité d'un poste sur place. Celui-ci étant tout de même condition du niveau de portugais (aujourd'hui inexistant).
Une discussion à bâtons rompus s'en suivit pendant laquelle j'exprimais à Mathieu mon ressenti : je ne me sentais pas considérée. Tout d'abord en étant pas directement inclue dans les échanges bien qu'autant impactée que lui, puis dans la proposition globale, certes généreuse mais ne faisant guère mention de ma carrière.
J'avais besoin que Mathieu, qui serait amené à prendre des fonctions de cadre dirigeant, entende l'importance du conjoint dans ces cas d'expatriation.
A la suite de cet échange, Mathieu demandait un entretien entre le correspondant RH et moi, pendant lequel j'allais proposer de réaliser une étude sur l'impact du conjoint dans les situations de mobilité (en France et à l'étranger). Le but étant de répondre à un enjeu d'identification de candidats à ces expériences qui peuvent sembler moins attrayantes dès lors qu'il s'agit de déraciner famille et conjoint ayant sa propre carrière. Bon j'ai un peu fait un flop mais je sème...
Et lors de la discussion, j'ai pu exprimer mes craintes quant au retour. Devrai-je alors 'repartir à 0' après 5 ans hors du Groupe ? (parce qu'il faut bien se dire que l'entreprenariat ne sera peut être pas immédiat après une période d'éloignement telle que celle que nous nous apprêtons à vivre...
Il m'a été effectivement confirmé qu'un poste d'atterrissage dans un environnement 'connu' est envisagé en premier, et qu'il convient souvent de faire preuve de résilience. La fameuse. Avec sa cousine 'adaptabilité', elles ont rempli mon quotidien depuis un an et demi !
Bref, je suis consciente que le compromis sera chez moi. C'est pourquoi j'ai ressenti le besoin de partir avec un projet dans ma valise. Parce que je sais ce que c'est pour moi que de déposer les filles à l'école après que Mathieu soit parti au travail et ensuite rentrer dans ma belle grande maison vide.
Je sais que je ne suis pas faite pour ce vide. Alors je ne pourrai pas me mettre à la médiation comme je l'aurais voulu (gérer une crise relationnelle est une chose pour laquelle je me sens prête, mais de là à le faire en portugais, il va me falloir quelques mois). Mais j'ai choisi de me lancer dans le recrutement en tant qu'indépendante au sein d'un réseau national.
C'est bien là le plus grand enseignement que je retire de mon expérience troyenne. Face à un changement de vie, on peut voir tout ce à quoi on renonce ou...les opportunités qui s'offrent à nous.
Le ...ou.... ou bien le ....et....
(clin d'œil à Valérie et Mélissa qui se reconnaitront et qui ont été mes fées pendant ces dernier(es) semaines / mois et m'ont guidée pour trouver ma voie)
Alors je me lance dans cette aventure le cœur ouvert à l'inconnu.